Ernő Verebes: Les Titans dormants

Une méditation à propos de l’exposition de György Verebes

J’écouterai ce que dit en moi Dieu, l’Éternel (Ps.85: 9)

Pendant ces derniers vingt ans, j’étais hanté par les mêmes esprits – quoique par des esprits d’ endroits différents – que György Verebes. Donc je connais assez bien l’histoire du genèse des tableaux de cette exposition.  Je n’ignore pas les motifs et les forces qui ont dirigé les gestes du peintre, quand il a pris les couleurs, les ombres, les contours de formes sur la toile, alors – en  général – les empreintes visuelles des contenus sémantiques alors présupposés mais plus tard bien connus par moi.

La présupposition et la connaissance, en ce cas, ne se diffèrent pas, plutȏt se complètent. A proprement parler, il s’agit là du pressentiment qui dépasse la présupposition et comporte une connaissance autant intensive et fiable  qu’univoque.  Comme le mystique chrétien, Maître Eckhart a dit au 13e siècle: J’aperçois quelque chose en moi qui illumine dans ma raison ; je sens bien que c’est quelque chose, mais ce que c’est, je ne puis le saisir ; je pense seulement : si je pouvais le saisir, je saurais toute la vérité[i].

Cette sorte de connaissance qui avait engendré ces tableaux est devenue univoque par la représentation élaborée, d’une manière étrange, à l’aide des moyens du pressentiment.

La peinture contemporaine peut être rarement saisie sans ambiguïté, mais elle est explicable par n’importe qui – c’est ce que nous enseigne la compulsion de conformité au moment où l’on aperçoit un objet d’art. Par contre, un destinataire réel contemple le dessin comme un enfant regarde sa mère: avec une dévotion sans condition, qui n’exige pas d’explication. En ce cas-là, la beauté naît au lieu du mot et la situation survient au-dessus de la beauté. La situation qui est identique à la réflexion. En voilà un exemple:  comme si ces visages mouillés  dans l’obcurité qui sont les visages des titans selon György Verebes, préféraient se retirer derrière la toile, et même disparaître dans le néant. Comme s’ils indiquaient que c’est leur destin inconscient, car leur présence était toujours immesurable par et pour les gens qui existent en chair et en os. Donc le fait que les titans, étant les représentants d’une spiritualité universelle, peuvent vivre ici et maintenant ne provient pas de leur existence mais –  paradoxalement – de leur absence. Androgynes superbes, ils sont quand-même polarisés sexuellement.  C’est  peut-être leur chance d’apparaître ici sous cette forme,  peut-être ne fait-ce pas de différence pour eux. C’est nous  qui ne pouvons les reconnaître que sous des formes traduites en aspect humain.

Un demi-dieu est inimaginable dans l’espace et indescriptible avec les mots. Il n’est ni ni quand. En conséquence, un demi-dieu ne peut pas comprendre le concept de la vanité, malgré les tentatives des grands conteurs anciens de donner aux demi-dieux  des caractéristiques des êtres vaniteux et faillibles. Toutefois, si tout cela est vrai, le moment de notre confrontation n’aura jamais lieu. Ils ne pourront donc devenir les piliers de notre existence que d’une manière indirecte. L’existence des demi-dieux peut être alors nommée archétypique:  d’une part,  étrangers, ils sont constants, d’autre part, ils sont excessivement aristocratiques. Eux, les demi-dieux  ne sont pas alors seulement des accessoires fiers et usés d’un mythe, mais toujours des intensités du présent, des radiances immodérées de notre existence, des bâtards nobles d’un roi –dieu gardé secrètement jusqu’à nos jours. Ils incarnent les espoirs des organes à remettre qui sourient sagement . La remise du puzzle sera encore plus facile pour nous quand nous découvrons que c’est eux-mêmes qui nous aident  en main propre de les reconstruire, car leurs propres visages avaient été peints par leurs propres mains, avant de se détourner de leur propre tronc en le quittant comme un simple porteur de fardeau de la création. Néanmoins, quelque part  parmi ces visages et mains, un corps invisible palpite. C’est notre corps qui n’est nul autre  que la lacune entre un visage et une main, une lacune qui n’existe plus puisqu’elle se se remplit aussitȏt des regards curieux et des reconnaissances accompagnées par de doux soupirs . Elle se remplit de cette énergie qui ranime la colonne vertébrale, le coeur, alors  toute la part de vie  entre le visage et les mains pour que le tronc puisse se remuer en relâchant les ressorts musculaires. Le tronc, lui, ce moyen  tout-porteur, ce symbȏle de la médiocrité va exister uniquement par l’empathie du spectateur de ces tableaux. C’est la seule possibilité que la métaphore, cette doute sacrée prenne son vol. La métaphore, c’est une destination qui englobe tout  mais qui ne mène nulle part, c’est l’endroit où, dans les rues et les places banalisées, les souvenirs des esprits hanteurs  ( pas honteux)  enterrent leur vérité en dévorant des âges, des châteaux, des héros, des paysans. Nous pouvons même réfléchir longuement et mûrement au fait qu’ils sont disparus, les demi-dieux. Ils ont été remplacés par des installation faites en copeaux de métal appelées histoire. Ces installations sont nées au même moment où le premier homme conscient a ouvert les yeux et a constaté le fait qu’il ne voit pas ce qui existe mais seulement une chode existe: ce qu’il voit. Comme le saint mystique a dit: ce que nous appelons l’image, c’est une chose que l’âme crée, a l’aide de ses forces, sur les choses. Les demi-dieux sont devenus ce qu’ils devaient  devenir pour que maintenant, debout devant eux, nous puissions penser à nos temps perdus comme aux gants ou aux masques perdus par hasard au carnaval.

Ces gants iraient  à leurs mains calmées aussi bien que ces masques iraient aux visages se voyant dans un rêve prophétique.

Item,
si, un beau jour, György Verebes dessine des gants et des masques sur une feuille de papier, nous pourrons peut-être apprendre pourquoi et de quoi sont vêtus  les demi-dieux qui ne sont plus des demi-dieux , mais  la spiritualité même de la fête, avec le peuple célébrant cette spiritualité sans âge.

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